Nous qui n'existons pas - Mélanie Fazi

Nous qui n’existons pas – Mélanie Fazi

Nous qui n'existons pas - Mélanie Fazi

Nous qui n’existons pas est un court livre de non-fiction de Mélanie Fazi paru en octobre 2018 chez Dystopia Workshop. L’autrice sort clairement de sa zone de confort en ouvrant son cœur pour raconter son asexualité. Un témoignage fort, utile, que tout le monde devrait lire…

Résumé :

« Est arrivé un jour où la fiction n’a pas suffi. »
Aussi curieux que cela puisse paraître, il me semble qu’une des forces de l’œuvre de Mélanie Fazi est que précisément la fiction n’a jamais suffi. Qu’elle a toujours su trouver d’autres biais pour exprimer cette tension personnelle, intime, dont elle nous fait part dans ce livre, et qui est matière de toute sa création. Léo Henry

Ce texte de non-fiction autour de la question de la norme et de la différence, rédigé sous forme de témoignage personnel, prolonge le billet “Vivre sans étiquette” paru sur ce blog en juin 2017. (source melaninefazi.net)

Avis :

J’avais entendu parler du post Facebook à l’origine de ce livre, sans jamais prendre le temps d’aller y jeter un œil… pas bien Sophie ! Ceci dit, le sujet m’intéressait, et quand Mélanie Fazi a sorti ce petit ouvrage, je me suis ruée dessus. J’ai pris quelques claques à sa lecture. Claque parce que je me suis rendu compte que je manquais de curiosité sur certains sujets, pourtant de société. Claque parce que j’ai découvert que beaucoup trop de gens étaient à minima maladroits par manque d’information, sans doute moi la première. Claque parce que, dans son texte, l’autrice nous livre sans fard et sans complaisance son histoire et ses sentiments, sans que ça soit jamais voyeuriste, larmoyant ou quoi que ce soit du genre.

Vous l’aurez compris, ce tout petit livre est d’une puissance incroyable. Tout petit par son format : 120 pages, format poche, mais en aucun cas par son contenu. A commencer par le travail éditorial, car c’est un ouvrage à l’esthétique très réussie. L’illustration de couverture de Stéphane Perger d’après un portrait photo de Vinciane Lebrun est magnifique et reflète bien le contenu, et les illustrations intérieures, du même Stéphane Perger, ponctuent de manière très à-propos le texte. C’est aussi un pari osé de la part de Dystopia Workshop, tout petit éditeur, de se lancer dans la publication de ce livre inclassable, qui n’entre dans aucune de ses collections. L’équipe n’a pourtant pas hésité quand Mélanie leur a dit vouloir publier ce texte. Ils l’ont soutenue et ont foncé tête baissée aux côtés de l’autrice qui a régulièrement travaillé avec eux.

Je connaissais Mélanie Fazi par ses recueils de nouvelles, notamment Notre-Dame-aux-Ecailles paru chez Bragelonne, mais aussi par son travail de traductrice (elle traduit notamment le très prolifique Brandon Sanderson), et surtout sa participation au podcast Procrastination avec Lionel Davoust et Laurent Genefort. Si vous ne connaissez pas ce podcast, je vous le conseille vivement. Il parle d’écriture, en 1/4 d’heure par épisode, et est passionnant même quand on n’écrit pas. J’y ai appris beaucoup sur le travail des auteurs, les techniques narratives… non seulement ça m’enrichit, mais ça enrichit aussi mes chroniques, car je comprends de mieux en mieux la structure de ce que je lis. Mais arrêtons de digresser et revenons au sujet du jour…

L’autrice aborde dans son texte l’asexualité. Un thème que je n’avais jamais encore lu abordé de front, aussi simplement et sincèrement. Car Mélanie Fazi nous parle simplement et sincèrement de son quotidien. Du quotidien d’une jeune femme qui se sent en décalage avec les autres pour qui le sexe est si important. Du quotidien d’une femme à qui on pose des questions qui blessent, parfois sans méchanceté, mais trop souvent quand même. Une femme qui n’a envie ni besoin de conjoint.e ou d’enfant. Qui n’en peut plus de s’entendre demander à quand le mariage, ou à quand le bébé. Qui ne veut plus entendre qu’il va être temps de… Le seul temps nécessaire, c’est le temps de vivre. Chacun à sa manière. Elle nous le raconte très bien ici. J’allais dire conte, mais ce livre n’est pas de la fiction, il s’agit de la vie de Mélanie Fazi, de son expérience, de ses errances, de sa renaissance quand elle a compris qu’elle n’était pas seule. Ce n’est pas de la fiction, mais c’est pour autant écrit avec beaucoup de sensibilité et de poésie, on retrouve le style inimitable de ses nouvelles. C’est une des grandes forces de ce livre, sa poésie, son style, car il se lit comme une nouvelle. On n’est ni dans un témoignage romancé, ni dans un essai ennuyeux. On est dans l’histoire de Mélanie Fazi, simplement. Dans un moment hors du temps.

C’est un livre que j’ai envie de voir entre toutes les mains, que j’ai envie de faire lire, pour que le plus grand nombre puisse entendre et comprendre que chacun doit être libre de sa vie, qu’il est suffisamment compliqué de ne pas rentrer dans les cases communément admises pour ne pas avoir besoin de se prendre de plein fouet des réflexions qui blessent par ignorance. Que nous avons tous le droit de vivre le plus sereinement possible, sans jugement ou pire. Il faut lire le texte de Mélanie Fazi car il va au-delà de l’asexualité. Elle nous parle de la difficulté d’être différent, même (et peut-être surtout) de nos jours. Elle nous parle de la difficulté d’être « juste » soi. Elle nous parle d’elle, mais aussi de nous.

J’ai eu la chance de rencontrer Mélanie Fazi lors des Utopiales en novembre dernier, et de l’interviewer notamment à propos de ce livre. Vous retrouverez bientôt la retranscription de cet entretien sur le blog.

Une réflexion sur “Nous qui n’existons pas – Mélanie Fazi

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