La mère d’Eva – Silvia Ferreri

La mère d’Eva est un roman de Silvia Ferreri, traduit par Chantal Moiroud, publié le 25 juin 2020 chez HC éditions. Un roman sur l’amour maternel et l’acceptation de la différence.

Résumé :

Une mère parle à sa fille entre les murs d’une clinique serbe. Eva vient juste d’avoir dix-huit ans et elle attend ce moment depuis qu’elle est née. Elle veut changer de sexe en se soumettant à l’intervention qui fera d’elle ce qu’elle s’est toujours sentie : un homme.

En un dialogue sans réponses, suspendu entre l’imaginaire et le réel, la mère d’Eva raconte leur vie jusqu’à ce moment. Elle refait le chemin comme si elle s’aventurait sur une terre étrangère, en quête d’une erreur de sa part qui aurait tout précipité. Sa voix est concrète, touchante ; elle parle sans fard d’un combat sans vainqueur ni vaincu, où la défaite n’existe pas, où la forme la plus pure de l’amour doit lutter pour comprendre, pour accepter.

Avis :

La dysphorie de genre est un sujet que je connais peu et sur lequel je n’avais jamais lu, que ça soit fictionnel ou non.Je ne savais donc pas trop à quoi m’attendre, mais j’avais envie d’en apprendre plus. Dans ce roman, on est vraiment centré sur la mère d’Eva, comme l’indique le titre. Une mère qui s’interroge sur ce qu’elle a bien pu rater pour que sa fille veuille devenir homme. Ce point de vue, bien qu’il soit un parti pris de l’autrice tout à fait volontaire, m’a dérangé dans ma lecture. J’ai éprouvé un certain malaise à « écouter » cette femme se morfondre sur ses « erreurs » plutôt que d’essayer de comprendre et de soutenir sa fille. Et dans le même temps, j’essayais d’imaginer à quel point ce genre de situation peut être compliquée… Une mère fantasme son enfant pendant la grossesse… et ne retrouve jamais son fantasme dans le bébé qui vient au monde. Mais comment s’attendre à ce que son enfant soit à ce point différent de ce qu’on a imaginé ?

Cette lecture n’a pas été évidente, car j’étais perdue entre le malaise ressenti face à certaines réactions de la mère, et l’empathie que je pouvais avoir pour elle en voyant tous les efforts maladroits qu’elle faisait pour sauvegarder la relation avec son enfant. La dysphorie de genre créé des situations très compliquées dans les familles, car si l’enfant a besoin, ce qui est normal, d’être traité selon son identité de genre, il ne faut pas non plus oublier que l’entourage, et dans ce cas précis la mère, doit faire le deuil de l’être connu. Au bout du compte, en avançant dans ma lecture, mes réactions ont évolué. Si j’avais du mal avec les réactions de la mère, je me mettais aussi plus à sa place, essayant d’imaginer la difficulté d’apprivoiser le changement de situation. Je n’ai par contre pas réussi à comprendre ce besoin de chercher ce qu’elle avait mal fait… Qui a-t-il de mal à ne pas être cet enfant fantasmé ? Pourquoi cela serait du à une erreur de qui que ce soit ? La seule explication qui me semble convenir à ce genre de réaction est la pression mise sur les mères à élever des enfants parfaits. Or, c’est bien connu, les seuls parents parfaits sont ceux qui n’ont pas d’enfants !!!

La mère d’Eva est un roman à la fois dérangeant par certains aspects, mas aussi très émouvant. On suit l’évolution de cette mère qui fait tout ce qu’elle peut, même si c’est parfois maladroit, pour soutenir son enfant dans ses démarches pour faire coïncider son identité de genre et son sexe. Jusqu’à se retrouver dans la salle d’attente d’une clinique serbe pendant que son fils est en train de se faire opérer pour enfin être lui. Elle se retrouve seule, loin de ses proches, car c’est la seule solution pour aider son fils dans sa démarche. Malgré toutes les réflexions et réactions qu’elle a pu avoir, elle était prête à se rendre au bout du monde pour le bonheur de son enfant. Bien que j’ai eu beaucoup de mal avec le fait qu’elle persiste à parler de sa fille Eva tout du long du livre, à lui écrire cette lettre au féminin, je reste admirative de cette femme qui se bat pour son enfant.

Les paragraphes précédents ont pu donner l’impression que ce livre est un témoignage, mais il s’agit bien d’un roman, et les réactions de la mère sont des partis pris volontaires de l’autrice, pour faire réagir et réfléchir les lecteur.ice.s. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça a marché avec moi. Ça m’a ouvert un nouveau champ de réflexion et de questionnement. Et ça m’a fait ouvrir les yeux sur le fait que même dans ce genre de situations, c’est sur la mère que se reporte trop souvent toute la pression. C’est trop souvent sur elle qu’on jette l’opprobre, y compris lorsque que, comme moi au début de la lecture, on trouve qu’elle ne réagit pas assez vite assez bien.

Merci à SIlvia Ferreri de m’avoir permis d’ouvrir mes perspectives, et de me rendre compte que je ne dois pas, sous prétexte de défendre une minorité, jeter forcément la pierre à ceux qui essaie de faire bien mais se trompent. J’ai l’impression que c’est de plus en plus souvent le cas, notamment sur les réseaux sociaux. Je ne nie pas la violence pour un jeune homme assigné femme à la naissance (ou inverse) d’entendre ses parents s’adresser à lui au féminin, mais j’entends la difficulté pour ces parents de faire le deuil de l’enfant qu’ils pensaient connaître.

Au bout du compte, La mère d’Eva a été une lecture riche et intéressante, tout en laissant une grande part à l’émotion. Je n’ai d’ailleurs pas pu retenir une petite larme aux derniers mots du livre, que la mère adresse à son enfant.

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J’ai reçu la version papier de ce livre de la part des éditions Hervé Chopin. Merci à eux pour la confiance.

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2 réflexions sur “La mère d’Eva – Silvia Ferreri

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