Vox – Christina Dalcher

Vox est un roman dystopique de Christina Dalcher, publié initialement aux éditions Nil en mars 2019, puis chez Pocket le 5 mars 2020. Un roman effrayant de réalisme, qui se dévore d’une traite.

Résumé :

Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s’exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d’un groupe fondamentaliste, a décidé d’abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s’affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu’elle va découvrir alors qu’elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix…
Christina Dalcher nous offre avec Vox un roman dystopique glaçant qui rend hommage au pouvoir des mots et du langage.

Avis :

Je me suis posé une question à la lecture de la quatrième de couverture : qu’est-ce que ça représente, cent mots ? Que peut-on exprimer en cent mots ? Peut-on partager, participer à une conversation ? Imaginez que pour avoir simplement exprimé ces quelques pensées, j’ai utilisé cinquante-sept mots, soit plus de la moitié de mon quota quotidien ! Le premier paragraphe du résumé en comprend lui cent trente-sept. Si j’étais limitée à cent mots par jour, je ne pourrais même pas vous le lire en intégralité !!! Entrons dans le vif du sujet, j’ai déjà trop parlé. (Si j’avais été contrainte par ce quota de cent mots, j’aurais pris une décharge, car « parlé » est le cent-unième mot de mon avis 😱).

Imaginez donc l’horreur du quotidien de ces femmes, contraintes bien souvent aux réponses par monosyllabes, car même les simples mouvements de tête sont exclus… Il devient plus que facile pour un homme de régner en maître dans sa maison. Et de plus en plus compliqué, voire impossible pour une femme de rassurer un jeune enfant avec des mots ou une chanson. Impossible pour une femme d’apprendre des choses à ses enfants. Ou juste devoir apprendre à ses filles comment économiser leurs mots et obéir aux ordres des hommes. Bien évidemment, les femmes ne peuvent plus travailler. Comment pourraient-elle le faire sans avoir le droit de s’exprimer ??? (je vois bien quelques solutions, mais elles ne sont à priori pas du goût des dirigeants de ce pays qui ressemble tellement aux USA).

Une des forces de ce roman, qui en fait une dystopie glaçante, c’est que le monde décrit est très proche du notre. Et le cheminement qui a abouti à la situation anxiogène de Vox peut paraître plausible. Il est question sur le bandeau du livre d’une « terrible transposition de La servante écarlate de nos jours ». Je ne suis pas tout à fait d’accord. Pour la simple et bonne raison que La servante écarlate ne se déroule pas plus dans un futur lointain. Toutefois, les deux dystopies sont toutes aussi effarantes l’une que l’autre, car bien trop réalistes. Et j’ose espérer que les hommes qui lisent ces romans sont tout aussi révoltés à l’idée que de telles horreurs puissent se produire.

Une autre force de Vox est justement la voix qui le porte. C’est celle de Jean, ou plutôt au début sa non-voix, sa voix intérieure, car elle ne peut décrire à voix haute sa situation. Et même en se retrouvant non limitée par un bracelet, pourra-t-elle vraiment être libre de s’exprimer ? D’où l’impact de se trouver dans sa tête, d’entendre et même de ressentir ses pensées. Quelle souffrance que de la voir ne pas pouvoir calmer sa fille par des mots et être obligée de la bâillonner de sa main pour qu’il ne lui arrive pas malheur…

Vox est une dystopie glaçante, qui nous plonge dans un monde bien trop proche du notre pour que l’on puisse sortir de cette lecture indemne. Et encore moins en ce moment où nos vies et nos droits sont entre les mains de quelques hommes de pouvoir (et si peu de femmes) qui ont tout pouvoir de prendre des décisions liberticides pour notre « survie ».

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Nous n’avons jamais été si proches de cette citation de Simone de Beauvoir, et il n’a jamais été aussi urgent de lire et de faire lire des dystopies et de la science-fiction, car bien des romans écrits des décennies en arrière se sont révélés ne plus être finalement de la science-fiction…

J’ai reçu la version papier de ce roman dans le cadre d’un partenariat avec les éditions Pocket. Merci à eux pour la confiance.

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En ces temps de confinement, si ce roman vous fait envie, vous pouvez vous le procurer dans sa version numérique epub, sur le site indépendant emaginaire.com par exemple, en suivant le lien ci-dessus. Attention toutefois, le prix de ce titre n’a pas été réaligné suite à sa sortie en poche…

4 réflexions sur “Vox – Christina Dalcher

  1. anaislemillefeuilles dit :

    J’ai entendu beaucoup parler de ce livre, pas forcément en bien… Mais ton avis fait terriblement envie ! Et je dois dire que j’ai beaucoup aimé ta manière d’en parler, notamment au début de l’article où tu comptes le nombre de mots que tu as utilisés… Bravo pour ce chouette billet !

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